La saison 2013 n’est pas terminée, nous avons décidé de passer l’hiver au soleil et de faire pour la première fois une grande traversée, de plus d’une semaine.
Après avoir vérifié le bateau du bout de la dérive à la tête du mât et refait l’antifouling, l’Ericante est fin prêt.
Presque. Nous équipons au dernier moment l’Ericante d’un téléphone satellitaire Iridium, ce sera un élément de sécurité permettant d’appeler où que nous soyons et de recevoir tous les jours un fichier météo au format Grib.
« Que du bonheur ! » dirait Yannick qui nous a aidé à installer notre fil d’antenne satellite par les passages les plus improbables de l’Ericante. Nous le remercions encore pour ce travail ingrat accompli avec bonne humeur la veille de notre départ du terre plein du Moulin Blanc à Brest et n’oublierons pas lors de nos traversées de prendre (presque toujours) « le ris de la bonne nuit ».
Il lui arrive souvent d’évoquer ses formules de marins acquises en autres au côté de Olivier de Kersauson sur Geronimo.
Nous faisons un avitaillement qui doit nous permettre de tenir 3 semaines et qui représente un peu plus de trois caddies.
Une fenêtre météo de vent du nord juste après la remise à l’eau le 7 octobre doit nous permettre de rejoindre Madère en une dizaine de jours.
La meilleure option consiste à partir de Logonna le mercredi 9 à 1 heure du matin pour passer le raz de Sein dans la matinée avec le courant. Nous partons donc comme prévu et après le raz de Sein prenons un cap très à l’ouest pour éviter le mauvais temps (habituel autour du cap Finisterre), les pêcheurs et les cargos.
Le Raz de Sein au petit matin
Le vent est portant, très prêt du vent arrière de 15 à 25 nœuds si bien que dès le deuxième jour nous naviguons sous génois seul.
La mer est peu agitée, le bateau avance bien et le pilote automatique n’a pas trop de travail. Le temps est beau, parfois quelques nuages mais pas de pluie. Les nuits ne sont pas froides. La navigation hauturière s’organise avec des quarts de nuit sur un rythme de 3-2-2-3 une nuit et 2-2 la nuit suivante, ce qui avec quelques siestes dans la journée nous convient bien.
Nous arrivons à déjeuner tous les jours entre midi et demi et une heure et à dîner entre 19 heures et 20 heures. Je télécharge les fichiers météo grib tous les jours vers 18 heures, au début c’est un peu laborieux, ensuite ça devient plus rapide.
Nous arrivons à prendre des douches en mer, malgré les mouvements du bateau.
Au bout de 48 heures en pleine mer nous ne verrons plus aucun bateau ni aucun oiseau pendant 2 jours, parfois un écho AIS à plus de 10 miles.
Au 4ème jour de navigation, nous sommes à 200 miles au large du cap Finisterre, et les fichiers météo annoncent que plusieurs dépressions se sont creusées sur notre route et le passage avec un vent modéré de Nord Est qui était prévu à 100 miles des côtes portugaises est remplacé par un vent de sud ouest force 6 à 8. Nous décidons alors de faire une escale au Portugal, à Viana do Castelo où nous avons des amis rencontrés l’année dernière. Le dimanche alors que nous naviguons avec la grand voile et le gennaker, vers 18h un très grand mammifère tourne autour de nous, il passe sur notre bâbord, tribord, avant et arrière et inspecte également le dessous de la coque, Y a-t-il un risque? Il est tellement gros. Nous n’apercevons que sa nageoire dorsale et sa belle peau noire parfaite. Nous entendons très bien son souffle puissant à chaque expiration. Nous n’avons pas pu faire de photo mais cette rencontre nous plaît bien. Le soir arrive, il est temps de rentrer le gennaker qu’il serait imprudent de garder la nuit.
La manœuvre est plus difficile car le point d’amure a lâché et la voile n’est tenu que par par la drosse d’emmagasineur, il faut gréer un palan.
Dans la nuit l’Ericante passe ses 7 777,7 Miles à 1h30 du matin.
La veille de la nuit sera un peu stressante avec les nombreux cargos qui sillonnent la mer, certains vont aux Açores, d’autres à Madère, aux Canaries, en Méditerranée, un AIS indique même Singapour et les cargos montants vont approvisionner en pétrole brut les raffineries des grands ports du Nord. A la voile nous sommes peu manoeuvrants mais la raison du plus fort est toujours la meilleure et nous les évitons prudemment en passant sur leur arrière quitte à déventer la voile.
Au 6ème jour de navigation la terre apparaît, le compteur de cette longue étape affiche 700 miles, nous tirons quelques bords devant Viana entre les bouées de pécheurs puis apercevons Antoine qui attrape nos amarres dans le petit port à 17h30.
En quelques instants une petite colonie de couples français attendant des vents favorables se pressent auprès de nous. Tous passionnés par les bateaux, la mer et les voyages. Echanges de paroles, partage de vie, d’expériences et de rires autour des carrés des différents voiliers et autour des tablées des «casas» copieuses et bon marché du Portugal.
Les escales nous apportent tous ces plaisirs de rencontres pleines de sincérité. Cela fait maintenant quinze jours que l’Ericante est à l’eau et une semaine que nous sommes au ponton à attendre la renverse des vents au Nord pour rejoindre Madère.